Pourquoi donne-t-on ? Et d'abord donne-t-on encore ? Oui, répondent les auteurs de ce livre. Et infiniment plus que veulent nous le faire croire les idéologies modernes, pour lesquelles les rapports entre les gens ne sont plus régis que par l'intérêt égoïste ou la contrainte publique, par le marché ou par l'État. Le don s'observe au contraire partout : dans la famille, dans les organisations et les entreprises, dans le marché de l'art, etc. Mais qu'y a-t-il de commun entre le père Noël, les Alcooliques anonymes, les dons de sang et d'organes, les cadeaux de tous types et les services rendus, le don de l'artiste et même le don rituel des sociétés archaïques ? C'est la question à laquelle ce livre tente de répondre en montrant que toute la société vit du don, et que nous aurons toujours besoin de faire circuler les choses autrement, de faire « passer » les choses par le don. Traduit en cinq langues, devenu un classique de l'anthropologie moderne depuis sa première parution en 1992, ce livre parle un langage clair et évite le jargon des spécialistes. Nourri d'enquêtes de terrain originales et d'une analyse critique approfondie de la littérature existante, il passionnera aussi bien le grand public qui souhaite mieux connaître les mystères du don que les chercheurs en sciences sociales qui y découvriront de stimulantes perspectives.
La participation contre la démocratie est la formule qui résume le mieux les quinze années de recherches menées par Jacques T. Godbout au cours des années 1960 et 1970 sur les expériences de participation des usagers dans divers organismes (syndicats, commissions de consultation, groupes populaires, etc.). La participation est en effet apparue non pas comme un supplément de démocratie, mais comme une manière de se passer des mécanismes démocratiques pour tous ceux qui (professionnels, bureaucrates, militants) détiennent dans les institutions un pouvoir dont la source est étrangère au processus démocratique, et dont la légitimité n'est pas fondée sur la représentation politique. La participation, qu'on considère généralement comme un contre-pouvoir, est davantage une technique professionnelle pour maximiser le pouvoir. Si ce constat pessimiste avait de quoi surprendre il y a trente ans, son actualité, encore aujourd'hui, en étonnera plus d'un. "Ceux qui sont favorables à la plus grande participation possible doivent en même temps s'attaquer au modèle économique dominant, au productivisme, au paradigme de la croissance. Car tant que la valeur suprême sera la production et la consommation plutôt que la démocratie, on devra se satisfaire d'une démocratie représentative faiblement participative..."
Rien n'ira comme prévu pour Grégory Francoeur, brillant professeur québécois qui laisse derrière lui, à Montréal, famille et carrière politique pour devenir l'assistant d'un éminent universitaire de San Francisco.
Francoeur, qui croyait refaire sa vie au sein de la tumultueuse luxuriance de la côte ouest des Etats-Unis, se retrouve, à la suite d'un quiproquo, dans une sombre et dangereuse affaire de trafic d'immigrés clandestins. Le miracle californien ? La démence plutôt. D'emblée.
Quelle mouche a piqué Julien Mackay, météorologue, pour qu'à 48 ans il prenne une retraite anticipée afin d'aller écrire son premier roman à Paris ? Espère-t-il rencontrer l'inspiration à l'ombre du Panthéon ? La ville fait-elle l'homme ? Julien débarque tout habité par ses rêves et ses fantasmes, il aborde la Capitale culturelle en toute innocence, sans parrain ni complice dans le milieu littéraire. Des idées de roman lui passent dans la tête, loufoques ou délirantes. Mais derrière les mythes et les illusions, la réalité est parfois cruelle. Souvent gauche, toujours touchant, Julien se découvre étranger dans un monde pourtant familier.
Cet essai s'intéresse à ce qui circule dans les sociétés sous une autre forme que le modèle marchand. L'auteur montre que le mode de pensée dominant a acquis une sorte de droit d'exclusivité sur le sens des biens en circulation.
La couleur des idées.
La pensée dominante assure que ce qui circule entre les hommes se définit essentiellement par l'échange marchand. Or le lien social n'est pas seulement fait de calculs et d'intérêts réciproques. Fondateur de la pensée libérale, Adam Smith l'avait pressenti il y a deux siècles, et avançait le concept de sympathie, puissant ressort de l'action humaine que les neurosciences mettent aujourd'hui en évidence. Plus tard, c'est Marcel Mauss qui posera les bases théoriques d'une véritable pensée du don. Sur le bénévolat, le don d'organes, certes ; mais aussi sur la famille, l'art, la justice et même, pourquoi pas, la rationalité instrumentale ; sur la théorie des jeux et l'analyse stratégique, que nous apprend aujourd'hui ce modèle du don ? Pourquoi le don est-il toujours et partout présent ? Même quand, apparemment, il n'a plus de raison d'être, nous constaterons qu'il est là, malgré tout. Car le don ne se réduit pas à la bienveillance qui fonde la morale, ni à la pitié ou la compassion de Schopenhauer décriée par Nietzsche. Le don est dangereux, comme le rappelle ce mot de Confucius : « Pourquoi m'en veux-tu autant ? Je ne t'ai pourtant rien donné. » Le don fait appel à une multitude de « passions » : honneur, prestige, image de soi... En se bornant à étudier la seule circulation marchande, les théoriciens du libéralisme occultent tout un pan de la réalité sociale et contribuent, sans le vouloir, à la désespérance générale. Fruit de dix années de recherches, cet ouvrage, en s'intéressant aux échanges humains qui ne passent pas par le marché ou la redistribution publique, veut nous aider à mesurer les limites de la mondialisation marchande.
« J'ai entrepris un inventaire systématique de ma vie publique. De l'avantage d'être né décrit de façon chronologique, à partir de mes livres et de mes films, rassemblés par ordre de parution sur une étagère de ma bibliothèque, naissance, éducation, formation, publication, travail, activités littéraires ou cinématographiques et sociales. Le parcours d'un intellectuel de la Révolution tranquille : c'est mon acte de contrition ».
Voilà comment Jacques Godbout présente De l'avantage d'être né, où ce témoin-acteur de l'évolution du Québec retrace son parcours d'homme et d'artiste d'hier à aujourd'hui.
Nous y lisons le récit d'une enfance et d'une éducation à l'enseigne du Québec traditionnel, où l'Église occupe une place prépondérante. Issu d'une famille libérale, le jeune Godbout trouvera très vite le moyen d'échapper à cette société étouffante. Dès le début de la vingtaine, il séjourne en Éthiopie, où il a été invité comme enseignant. À son retour, c'est un Québec qui s'est déjà mis en marche qui l'accueille. Il emboîte le pas et se retrouve à l'avant-garde. Il évoque pour nous la fondation du Mouvement laïque québécois, celle de la revue Liberté ou encore la mise en place de la section française de l'ONF.
Il raconte aussi les travaux du romancier, de l'essayiste, du cinéaste. Nous voyons ainsi s'élaborer une oeuvre en perpétuel dialogue avec l'actualité, où la fiction sert de révélateur au cheminement d'une société.
Tout aussi à l'aise dans les milieux politiques que dans les milieux littéraires, fasciné autant par la révolution culturelle et sociale qui s'opère aux États-Unis que par une France qui redécouvre le Québec dans un malentendu permanent, observateur passionné des questionnements entourant la nation ou la laïcité, Jacques Godbout, figure emblématique de la modernité québécoise, nous livre ici un témoignage essentiel.
Le romancier, essayiste, éditeur et cinéaste Jacques Godbout égrène quelques-uns des principes qui guident ses actions et donnent du sens à sa vie.
Dans L'Esprit du don, Jacques T. Godbout montrait que le don occupe encore une place de première importance dans nos sociétés, à côté du Marché et de l'État. Dans cet ouvrage, qui le parachève et le systématise, il généralise son propos : le don est ce mode de circulation des biens et services propre aux réseaux et où n'intervient pas la séparation entre un public et des professionnels. Dans la famille ou dans la société, le monde des réseaux fonctionne au don et à la dette, et non pas à l'équivalence (comme dans le Marché) ou à l'égalité (comme dans l'État). Quand les réseaux fonctionnent bien, cette dette est positive : elle n'engendre pas angoisse et aliénation, mais confiance et désir de loyauté. Le don apparaît ainsi indissociable du sens : c'est l'intention qui compte et c'est le sens qui fait le don. Enfin, c'est à travers la relation de dette (positive ou négative), de don et de contre-don, que se forment ou se déforment les identités des acteurs sociaux.
Nourri par de nombreuses recherches empiriques qui le rendent extrêmement parlant, ce livre, paru en 2000 aux éditions La Découverte, était devenu introuvable depuis longtemps. Il propose un véritable paradigme alternatif à celui de la science économique et de la sociologie utilitaristes. Au lieu de postuler que nous serions tous des homo oeoeconomicus, qui ne songent qu'à prendre et à garder, il risque l'hypothèse inverse : ne serions-nous pas plutôt du genre homo donator, davantage motivés en fait à donner qu'à recevoir ? Le don, la dette et l'identité prend ainsi à contre-pied un grand nombre d'idées reçues dans les sciences sociales.
Pendant trente ans (1979-2009), dans les pages du magazine L'actualité, Jacques Godbout nous a parlé, de mois en mois, de ses lectures. Ou plutôt : à travers ses lectures il nous a parlé de lui-même,de nous-mêmes, de notre pays, de nos façons d'être et de penser,et du monde bigarré qui nous entoure, un monde qui demande constamment à être déchiffré, critiqué, compris. Or ce déchiffrement et cette critique, pour qui habite toujours la galaxie Gutenberg,passent d'abord par les livres, tous les livres, aussi bien les oeuvres de la littérature que les ouvrages de sociologie, d'histoire, de science,aussi bien les écrits des journalistes que ceux des philosophes et des romanciers. Tous ont des clés à nous offrir, tous ont quelque chose à nous apprendre. Sorte d'autobiographie d'un lecteur passionné, mais une autobiographie tournée vers le monde plutôt que vers le moi, ce livre raconte l'aventure d'un esprit en éveil. Livre de lecteur, donc, ce livre est aussi celui d'un écrivain ; écrit dans une prose alerte et précise, il nous fait entrer pour ainsi dire dans l'atelier d'un romancier, mais d'un romancier comme l'est l'auteur de Salut Galarneau ! et de La Concierge du Panthéon, c'est-à-dire un artiste de l'imagination pour qui la littérature, loin de naître dans la solitude et le mépris, se nourrit avant tout des bruits et des mouvements de son époque, des angoisses et des illusions qui la hantent, de ses laideurs comme de ses beautés, auxquelles il lui faut par conséquent demeurer constamment, éperdument attentif.
C'est l'histoire de deux gaillardes dactylos qui vivent ensemble et dont l'une tape le manuscrit d'un auteur qui pourrait s'appeler saint thomas d'amour : nous entrons dans un langage savoureux, drôle, sympathique, direct : le québécois.
Brusquement, à travers les dialogues, le livre se fait, se défait, se transforme : les deux filles ne sont-elles pas sorties d'un conte des mille et une nuits plutôt que des mille et un québec ? roman en trois actes dont le plus important est l'acte d'écrire qui révèle les joies du mensonge et de l'illusion. c'est certainement l'inspiration à l'état sauvage, avec ses historiettes permanentes sorties de bandes dessinées, imprimées à chicago, ou est-ce à jérusalem ? ayant pour personnages mireille et mariette, les deux filles crues, et un tarzan d'amour.
" a travers ce jeu sur la création et l'amour, jacques godbout nous donne un excellent roman du roman, qui est aussi son roman d'amour avec la langue québécoise.
Claude bonnefoy, les nouvelles littéraires.
" tout ici est syncopes, flashes, retours dans le passé et bonds dans l'avenir, romantisme à deux sous et lyrisme grave, classicisme et pop art. la lecture de " d'amour, p. q. " a été pour moi un plaisir.
" réginald martel, la presse, montréal.
Le temps des Galarneau. Mon frère Jacques, écrivain professionnel, m'a dit : «Si tu veux, François, que ton livre accroche, soigne ta quatrième.» J'ai demandé : «Où ça la quatrième?» Du doigt Jacques m'a montré l'arrière du livre : «Un roman, c'est comme une fille qui passe. Tu la regardes marcher de dos, avant l'effeuillage.» Mon frère est un peu mercantile. Je veux dire, Le Temps des Galarneau, c'est pas un casseau de frites comme j'en vendais au Roi du Hot-Dog. C'est depuis vingt-cinq ans de vie sans Marise qui a cédé la place à Véronique, qui est partie. J'écris pour ne rien oublier. Il y a Catherine avec son zigoto, Helen dans la porno, et mon frère Arthur enfargé dans une magouille internationale. Moi, je travaille pour Harry Sécurité, je m'accroche, je fonce. Comme dit maman, on ne se refait pas. Les Galarneau ont aussi droit, il me semble, à leur place au soleil!
Se faire traiter de jésuite ne le gênait pas trop.
Michel Larochelle assumait son rôle : parcourir le vaste monde au service de la Compagnie, trafiquer, résoudre les différends politiques avec doigté et n'utiliser la violence qu'en cas d'absolue nécessité. Mais quand, en mars 1967, le Général des jésuites lui demanda de rencontrer le Négus Hailé Sélassié, sa vie bascula : comment réussir une mission dans ce pays où jadis Rimbaud était allé s'échouer ? Qui seraient ses complices à la cour du Roi des Rois ? Contrée magique, l'Abyssinie cachait, disait-on, les clefs du pouvoir dont Michel Larochelle devait s'emparer, Rome s'attendait à bénéficier de l'opération ; le Négus lui-même, inquiet de la montée des subversions, avait d'autres plans en tête, mais rien ne se passa comme prévu.
Peut-on d'ailleurs prévoir l'amour et la mort ? L'aventure prit le visage d'une femme des hauts-plateaux, la mort celui d'une étrange confrérie assassine. Allumé, traqué, Michel Larochelle entreprend alors de dénoncer par testament, ce sera son combat ultime, la morale d'un jeu qui avait trop longtemps duré. C'est ce qu'espérait confusément toute une génération qui, à Montréal, Berkeley ou Paris, secouait déjà le cocotier.