Après avoir passé toute sa vie à Montréal, un homme rentre au Chili. Son père est mort. Il vient lui rendre les derniers hommages. Très vite, il se rend compte que ceux qui ont fait le choix de partir ne sont pas nécessairement les bienvenus quand ils rentrent au pays des ancêtres. Entre les enracinés et les déracinés plane un malentendu qui rend le retour impossible. Surtout dans cette famille juive qui, d'Andalousie en passant par Thessalonique, est venue enfin s'échouer dans ce finistère qu'est le sud du Chili, terre à la fois d'une folle générosité et d'une indicible cruauté. Terre ancestrale des Indiens mapuches, que domine la cime neigeuse du volcan Llaima et qui est recouverte du vert intense des eucalyptus, cet arbre venu de l'autre côté du monde qui pousse à une vitesse phénoménale et qui menace de tout engloutir. Dans ce roman bref, construit comme un polar, Mauricio Segura propose une réflexion à la fois grave et profondément émouvante sur les liens, insaisissables, indénouables, qui unissent les hommes à la terre. Le profond pessimisme qui hante son récit donne un relief remarquable au destin de ses personnages, écartelés entre plusieurs cultures, plusieurs âges et plusieurs continents.
Au coeur de la Petite-Bourgogne où il est né, le jeune Oscar P. remarque un phénomène étrange : chaque fois que Brad, son grand frère, se met au piano, la pluie cesse, l'été revient, le soleil refuse de se coucher. C'est donc que la musique, ou à tout le moins la musique que joue Brad, ragtimes et boogie-woogies, possède des pouvoirs magiques. Ces pouvoirs, toutefois, ne protégeront pas Brad de la peste blanche, qui l'emporte bientôt.
Le mal atteint également le jeune Oscar, mais il est épargné. Durant sa convalescence, il s'empresse de prendre la place de Brad au piano. Bientôt, tout le quartier se presse sur le pas de sa porte pour l'entendre. Plus tard, dans les clubs où il joue, quand le swing s'échappe en cascades de son piano - est-ce le fruit de son imagination? -, les femmes paraissent plus belles et les hommes, plus élégants.
Oscar aurait pu passer le reste de ses jours dans la grisaille de sa ville natale, au sein de sa communauté, mais voici qu'une ombre se profile à côté de la sienne, celle de Norman G., le célèbre impresario new-yorkais, qui fera résonner sa musique aux quatre coins du monde. Jusqu'à son dernier souffle, Oscar ne pourra plus jamais aller nulle part sans que cette ombre l'accompagne. Faut-il en conclure qu'Oscar a vendu son âme au diable ?
S'inspirant de la figure du légendaire pianiste de jazz Oscar Peterson, Mauricio Segura donne ici un roman empreint de réalisme magique qui évoque l'atmosphère des cabarets montréalais des années 1950. Le roman propose une fascinante réflexion sur les liens qui unissent un artiste à la communauté dont il est issu, sur la célébrité, sur le commerce de l'art. Il est surtout un poignant hommage à un géant de la musique.
Lola, la jeune journaliste. Dominique, la chauffeuse d'autobus de la STM. Camilo, le garçon qui se passionne pour le basketball. Guillaume, qui s'inquiète pour l'avenir de sa culture. François, le maire d'arrondissement. Yasmine, la jeune Maghrébine qui se fait du mauvais sang parce que son frère a disparu.
Qu'ont-ils en commun? Par un chaud matin de septembre, chacun voit sa vie bouleversée par une vidéo qui fait un malheur sur la toile. Elle montre un jeune homme vêtu d'une djellaba qui grimpe dans un autobus bondé et qui a une vive altercation avec la chauffeuse. Cette scène, époque oblige, est captée par les téléphones de quelques passagers, dont Lola, qui la partage sur Twitter. La vidéo devient virale, suscite des commentaires tranchés, on s'insulte à la pelletée. L'homme a-t-il fait preuve de violence envers une femme? Ou n'est-ce pas plutôt la chauffeuse qui, par son attitude cassante, aurait trahi sa méfiance envers les minorités? Les chiens sont lâchés sur les réseaux sociaux et personne ne fera de quartier.
Épousant en virtuose la langue et la vision de chacun des personnages, Mauricio Segura prend un malin plaisir à croquer ses contemporains. Tout en déboulonnant les préjugés et les idées reçues, il brosse un saisissant portrait du Montréal d'aujourd'hui, de ses misères et aussi de ses espoirs.
Qu'est-ce que le tiers-mondisme ? Pour les tenants de ce courant politique, il s'agissait de faire la révolution dans les pays en voie de développement ; pour nombre d'auteurs français, il a été, de 1950 à 1985, un discours phare. Désormais raillé, quand il n'est pas oublié, le tiers-mondisme reste pourtant d'actualité, car il annonçait la crise contemporaine des figures de l'intellectuel et du militant. Quarante ans après son apogée, le temps est venu d'analyser, en historien des idées, la rencontre inattendue entre la « faucille » et le « condor », entre une gauche radicale et le cône Sud de l'Amérique latine.
Examinant le tiers-mondisme latino-américain, Mauricio Segura retrace son émergence, son apogée et sa décomposition, et il démonte ses logiques argumentative et narrative. Né de la conjoncture de la Guerre froide, ce complexe idéologique est non seulement le signe du rejet de la politique par les intellectuels sous la Ve République, mais aussi un transfert utopique, la manifestation d'un désir d'exotisme et une réaction contre le féminisme.
Le tiers-mondisme est ici replongé dans le vacarme des discours de la deuxième moitié du XXe siècle. En se penchant sur des essais ou des romans de Sartre, Fanon, Debray, Detrez, Bruckner, mais aussi de Camus, Lévi-Strauss, Aron et Revel, sans oublier les romans de Gérard de Villiers, Mauricio Segura rappelle que si le héros tiers-mondiste court le monde, c'est autant pour saisir l'Autre que pour se comprendre lui-même.
Né en 1969, Mauricio Segura est docteur de l'Université McGill (Montréal). Il a publié plusieurs articles sur les rapports entre les idées politiques et la littérature de la deuxième moitié du XXe siècle. Il est également l'auteur de deux romans, Côte-des-Nègres et Bouche-à-bouche. La faucille et le condor est son premier essai.
Sur fond du décor miteux du quartier Côte-des-Neiges, deux bandes rivales, les Latino Power et les Bad Boys, s'affrontent. Leurs champs de bataille, ce sont les rues et les parcs du quartier, la polyvalente, les stations de métro. Immigrés de la première génération, ces adolescents sont coincés entre les rêves de leurs parents et la réalité d'un monde hostile où ils n'ont rien choisi, ni le pays où ils vivent ni leur condition de minoritaires. Au-delà de la peinture d'un milieu qui n'a jamais été décrit avec une telle richesse de détail dans la littérature québécoise, Mauricio Segura nous donne ici un premier roman solidement construit et efficacement écrit, qui fait vivre des personnages nuancés et complexes, sous le masque des préjugés et des idées reçues qui font figure d'unique monnaie d'échange dans ce milieu.
Nayla et Johnny ont à peine trente ans.
Mais ils sont déjà vieux, dépassés, dans le monde qui est le leur, celui des grandes agences de mode. Maintenant qu'ils ne tiennent plus le haut du pavé, l'agence qui les paie leur confie des missions d'un autre genre. Ils sont désormais chargés de recruter des êtres plus jeunes, de nouveaux visages, de nouveaux corps, qui seront les top models de demain. Tous les moyens sont bons pour s'attacher ces êtres le sexe, la drogue, la comédie des amours.
Entre Montréal, Londres et Milan, avec le plaisir comme seule boussole, ils s'inventent des jeux cruels, dans lesquels on ne sait plus où commence le fantasme et où s'arrête la réalité. Dans ce deuxième roman, Mauricio Segura adopte une manière tout à fait différente de celle qui était la sienne dans le premier. Tandis que Côte-des-Nègres était une vaste fresque réaliste et sociologique, qui racontait la vie des adolescents dans les communautés immigrantes de Montréal, Bouche-à-bouche est un récit intimiste, elliptique, onirique, porté par un érotisme trouble.
L'idée du présent numéro nous est venue un peu par hasard, au cours d'une discussion où nous venions de constater que les fictions québécoises s'intéressent peu à la représentation des rapports de pouvoir et à ceux qui l'incarnent. Les luttes de classes, les clivages politiques, les relations entre groupes ethniques, la vie des riches et des puissants ne sont pas des thèmes qui attirent d'emblée nos écrivains, nos cinéastes et nos scénaristes. Pourquoi donc? Avons-nous peur du pouvoir?
Cet hiver, la revue L'Inconvénient propose un numéro hommage à l'écrivain Pierre Vadeboncoeur dont 2020 marquera le centième anniversaire de naissance et le dixième anniversaire du décès. Le numéro comprend des lettres inédites à Yvon Rivard et à Jean-Pierre Issenhuth, des gravures et des dessins de sa main dont l'autoportrait en couverture, ainsi qu'un entretien avec son fils Alain Vadeboncoeur, mené par Mauricio Segura, des essais d'Isabelle Daunais, Jonathan Livernois, Daniel Jacques, une lettre d'Yvon Rivard, « Des nouvelles de l'autre royaume », adressée à Vadeboncoeur et un long éditorial de Mathieu Belisle qui insiste sur la contribution unique de l'écrivain et sa suprême indépendance, « capable de rompre avec l'unanimisme, assez confiant dans ses moyens et dans ses valeurs pour formuler des vérités désagréables, assez amoureux de sa société pour la rappeler à ses devoirs, assez généreux en amitié pour ne pas hésiter, comme Diogène, à "mordre" ses amis pour les prévenir du danger. »
Ce numéro de printemps de L'Inconvénient s'ouvre avec un hommage signé Geneviève Letarte à notre Leonard Cohen national, « curieux mélange de diva et de moine bouddhiste ». Les rubriques artistiques sont particulièrement riches : en cinéma, vous retrouverez la somptueuse ode funèbre de Pablo Larraín, Jackie; en littérature québécoise, l'oeuvre de contre-culture malheureusement négligée par l'histoire de Jean Basile; en séries, Black Mirror. Dans un noir et blanc contrasté, un photoreportage de David Himbert nous colle au plus près du peuple cubain en deuil de leur « comandante », Fidel Castro. Quant à Thomas Hellman, il nous offre sa réflexion autour du Prix Nobel de littérature remis, ô stupeur, à une rock star et un poète, Bob Dylan! Le tout entoure un grand dossier consacré à la question brûlante d'actualité du populisme : de l'Amérique latine (entretien avec le professeur de l'UQAM José Del Pozo) à la confrontation médiatique Richard Martineau/Marc-André Cyr, « les derniers mouvements du balancier ont singulièrement rapetissé l'espace du dicible ».
Le développement fulgurant des médias sociaux au cours de la dernière décennie a donné une forme concrète à un phénomène qui existait depuis toujours, mais demeurait pour l'essentiel confiné dans les marges de la vie sociale. Or la rumeur -- puisque c'est de ce phénomène qu'il s'agit -- se présente aujourd'hui comme l'une des formes les plus visibles et les plus envahissantes de la communication, comme un enjeu « sérieux » et décisif, que les individus et les organisations doivent apprendre à gérer comme l'une des composantes essentielles de l'information. Avec les contributions de Mauricio Segura, Georges Privet, Benoît Melançon et Ugo Gilbert Tremblay. À lire hors dossier, entre autres : Geneviève Letarte signe un hommage à Hélène Monette, Michel Biron analyse Ce qu'il reste de moi de Monique Proulx et Isabelle Daunais se livre dans un entretien à propos de son plus récent livre, Le roman sans aventure.
C'est à la nouvelle vague de romanciers mexicains que L'Inconvénient offre les pages du dossier principal de son numéro d'hiver qui propose une incursion en territoire littéraire mexicain à travers cinq nouvelles, un genre plus court que les auteurs présentés manient avec aisance dans leur pratique, passant de celui-ci au roman sans préférence marquée. Le comité, conscient que ses choix sont subjectifs, désire ainsi faire connaître au public francophone certains des auteurs qui dépeignent le Mexique tel qu'ils le connaissent, dans toute sa complexité et de façon réaliste, sans recours au fantastique ou à la dystopie. Également au sommaire, Marie-Anne Letarte rencontre le peintre et architecte Patrice Charbonneau, Georges Privet signe une critique du dernier film de Robert Morin Le problème d'infiltration et Sylvain David discute des aléas du passage de l'écrit à l'écran à travers les séries The Handmaid's Tale et American Gods.
« Faudra-t-il toujours lutter pour le français ? » demande L'Inconvénient en couverture de son numéro d'automne. Pris entre l'angoisse financière de la souveraineté et l'insécurité culturelle d'une nation minoritaire dont la présence maintenue au sein de la fédération canadienne ne peut que nourrir l'angoisse identitaire et linguistique, le Québec, en plein dilemme, se cherche, mais ne se trouve pas. La province comme société « divisée, déchirée, entravée par des peurs contradictoires qui ne veulent pas s'effacer » et le rapport à la langue autour duquel se cristallisent et s'incarnent ces peurs, voilà ce qu'explorent les collaborateurs de L'Inconvénient dans le dossier thématique de ce numéro. Lisez aussi la deuxième partie de l'essai « Le délire collectif des déclinistes français » d'Alain Roy, un portrait du peintre Mark Puchala par Marie-Anne Letarte, Stanley Péan qui parle de la saxophoniste jazz Christine Jensen et Sylvain David des « Communautés (ré) imaginées » dans les séries télé Fauda, Bron/Broen et The Fall.
Pour souligner son vingtième anniversaire, la revue L'Inconvénient a concocté un dossier spécial sur les 20 meilleurs romans québécois du nouveau siècle. La liste comprend : Rouge, mère et fils - Suzanne Jacob, Putain - Nelly Arcan, Dée - Michael Delisle, La héronnière - Lise Tremblay, Nikolski - Nicolas Dickner, Le siècle de Jeanne - Yvon Rivard, Parents et amis sont invités à y assister - Hervé Bouchard, Du bon usage des étoiles - Dominique Fortier, Le ciel de Bay City - Catherine Mavrikakis, Le discours sur la tombe de l'idiot - Julie Mazzieri, L'énigme du retour - Dany Laferrière, La constellation du lynx - Louis Hamelin, L'homme blanc - Perrine Leblanc, Atavismes - Maxime Raymond Bock, Document 1 - François Blais, Bondrée - Andrée A. Michaud, La nageuse au milieu du lac - Patrick Nicol, Florence, reprise - Dominique Garand, 1984 - Éric Plamondon et Le cycle soifs - Marie-Claire Blais. Retrouvez aussi, entre autres, un entretien avec M.-A. Lamontagne autour d'Anne Hébert, un portrait de Nicolas Grenier dans la rubrique Peinture et un de Harriet Tubman dans la rubrique Jazz