Julia Billet, qui avait déjà publié un roman, J'ai oublié (HB Editions, 1998), livre ici son premier recueil de nouvelles.
Neuf histoires de femmes en guerres. Qu'il s'agisse de guerre civile, de guerre des sexes ou de l'éternelle guerre de la norme contre l'a-norme, chacune des narratrices (la plupart s'expriment à la première personne du singulier) est confrontée à la violence d'un monde qui les enferme, les déplace, ou les exclut sans ménagement. La plume à la fois sensible et exigeante de l'auteur excelle à dépeindre la vie intérieure, dans toute sa richesse de sensations et d'émotions, d'espoirs et de révoltes, d'amour et de haine, de ces amantes, épouses, mères et filles, toutes rien moins que faibles.
Un petit livre, mais quelle force, quel retentissement ! Neuf nouvelles, concernant des femmes, écrites à la première personne. Des femmes enfermées, prisonnières, en asile, des femmes révoltées, exclues, déplacées. et pour dire leur douleur, leur colère, leur accablement, une langue précise, sincère.
L'une d'elle (Algérienne ?) arrêtée, battue, pense à son enfant "son amour, sa chair, son sang" et dit "mon petit, mon enfant, n'oublie pas comme le jasmin peut se glisser dans les failles du mur". Une autre, en prison, dépiaute ses souvenirs comme un papier de bonbon : le bruit du cruissement, la transparence, citron, orange, le noyau plus orange, opaque, et la description est tellement exacte qu'on goûte ce rêve de bonbon ... Du grand art au service de la révolte féminine contre toute guerre, tout enfermenent, toute aliénation.
Julia Billet a fait déjà paraître J'ai oublié dont le ton "d'absolue authenticité" avait été signalé.
(Notes bibliographiques - 12/01/2000)
Tu est le roman du silence vaincu. Pour y parvenir, la narratrice s'emploie à garder les distances, elle raconte avec une froideur presque clinique, refusant l'émotion qui sub-merge et trouble la mémoire, refusant de prendre parti et de se justifier, de s'excuser. Car la mauvaise foi, la culpabilité, la force, la honte et la fierté, la souffrance et l'exaspération, les rêves de jeune fille et la pesanteur d'une histoire familiale coexistent, ne font qu'une seule et même adolescente, engluée dans un huis-clos poisseux avec son père, géant à la dérive.
Mais Tu dit plus que cela, bien plus qu'une histoire parti-culière. C'est un monde, le monde ouvrier du nord de la France au tournant des années 70', avec ses solidarités et ses démons, qui en constitue la trame. De sorte que ce « tu » n'est plus seulement écrit pour elle, qui raconte, ni même pour lui, le père, qu'elle accompagne jusqu'aux portes de l'enfer, mais aussi pour toi, lecteur, qui te reconnaîtras.