On interprète généralement la philosophie morale de Kant à partir d'un certain nombre de thèses devenues classiques et qui demeurent souvent ininterrogées. Il est ainsi entendu que la morale chez Kant ne se fonde pas sur la religion et qu'elle ne présuppose pas l'existence de Dieu, que la liberté constitue la clé de voûte du système et que l'autonomie du sujet moral en est le coeur. Mais ces thèses, qui sont exactes, ne peuvent être pleinement comprises qu'en rapport avec la question de Dieu. La liberté de l'homme et l'absolu même de la loi morale renvoient au mystère insondable de l'existence de Dieu et de la présence du divin en l'homme. Dieu, et non sa seule idée, est même reconnu dans les derniers écrits comme le principe suprême de la philosophie. Il est alors possible d'interpréter la pensée kantienne tout entière comme un chemin vers Dieu et même, à un certain point de vue, comme une phénoménologie du divin.
Selon Kant, les questions "qu'est-ce que l'homme ?" et "qu'est-ce que la philosophie ?" sont indissociables. Philosopher, c'est décider de la fondation de l'humanité, du sens de l'existence humaine. A partir d'une analyse de la pensée kantienne, ce livre montre comment il faut concevoir le sens de la philosophie.
La théologie morale de Kant est révolutionnaire. Elle renverse l'édifice de la théologie traditionnelle, montrant l'impossibilité d'une preuve de l'existence de Dieu. Mais elle instaure aussi une nouvelle manière de penser Dieu, pensée dont elle établit, d'un point de vue critique, les conditions de légitimité. La raison, élevée pour la première fois à la compréhension de sa vérité, prend conscience de ce fait qu'est la loi morale qui parle en elle. Elle fonde sa théologie sur ce fait, dont elle déploie toutes les implications, s'approchant ainsi de Dieu. Mais, dans un second temps de sa démarche, la raison se surprend elle-même à devenir la voix de Dieu. La théologie rationnelle, noyau de la philosophie critique, se fait alors révélation, en un sens religieux, de la présence du divin en l'homme.
La philosophie critique de Kant est interprétée ici comme une expérience de pensée. La réflexion transcendantale, comprise comme le pouvoir qui fonde la pensée critique, est étudiée dans une perspective phénoménologique, ce qui permet de suivre le travail de la pensée dans le développement des trois Critiques. L'expérience kantienne de la pensée se révèle être une expérience de la liberté. Mais comment se manifeste la liberté de la pensée critique, soit l'exigence d'auto-fondation transcendantale ?
Ce livre propose d'interpréter l'instauration kantienne de l'architectonique comme auto-fondation de l'existence. L'exploration du schématisme le plus originaire de l'architectonique permet de saisir à l'état naissant l'existence humaine (son fondement, l'essence de la subjectivité) et par là de saisir, en un sens, l'origine même du "monde".
Qu'est-ce que l'homme ? Cette question, que Kant pose dans la Logique, est au coeur de l'entreprise transcendantale. La philosophie critique de Kant, en tant qu'architectonique, est pensée comme anthropologie "transcendantale". La "transcendantalité" de cette anthropologie est interprétée ici à partir des textes kantiens, mais aussi des texte de M. Heidegger, H. Maldiney, M. Richir, F. Pierobon, qui interviennent comme des détecteurs de problèmes dans les textes kantiens.
La philosophie kantienne du droit, qui se fonde dans l'Idée morale des droits de l'homme, a pour condition la politique (le droit public) et s'inscrit dans la perspective de l'Idée de république. Ce livre montre comment la pensée juridico-politique procède d'une application de l'Idée pratique de liberté, comment cette pensée se constitue architectoniquement, et quels sont le sens et la valeur de la théologie morale (ou rationnelle) dans la constitution de la pensée et de l'action politiques.
Le problème du « temps » ne se limite pas chez Kant à l'« exposition » d'une esthétique transcendantale ni, comme le montre l'architectonique des temporalités, au seul « schématisme » de l'entendement pur. Mais, si le « temps » surgit comme « liberté », son essence est nécessairement « pratique ». L'existence de l'homme, saisie à ce niveau d'une cooriginarité transcendantale de la « liberté » et du « temps », peut alors être comprise en sa dimension « morale »...
La philosophie critique de Kant peut être interprétée comme une éthique, qui signifie non pas seulement l'impératif de la vertu, mais l'exigence d'une réalisation du souverain Bien en l'homme et dans le monde. Ce livre montre comment la recherche d'un passage de la liberté à la nature fonde le projet d'une « habitation » du monde et permet de penser le sens éthique de la philosophie en ses domaines théorique et pratique.
La philosophie critique de Kant serait marquée, selon Michel Foucault, par son enfermement dans le transcendantal, pensé comme immuable. Il faudrait prendre conscience de l'historicité de l'esprit, pour tenter cette épreuve de liberté qu'est la création de soi. Cet ouvrage montre que c'est précisément dans la philosophie transcendantale, interprétée ici dans un tout autre sens que celui proposé par Michel Foucault, que se manifeste, chez Kant, le pouvoir d'une liberté proprement humaine.
"L'originalité de la pensée de Kant est de proposer une sagesse authentique fondée dans le concept de devoir au sens de la loi morale. Contrairement à ce que certains auteurs (Brochard, Aubenque, Foucault) ont pu soutenir, il n'y a pas lieu d'opposer les sagesses de la philosophie grecque et la philosophie pratique de Kant. Cette sagesse doit se comprendre comme l'individuation de l'exigence de la vertu, soit comme une tension entre l'impératif moral et l'accomplissement d'une ascétique éthique soucieuse de réaliser l'humanité dans sa destination complète."
"Quelle peut être la vérité, le coeur le plus originaire, de notre force vitale ? Cette vérité donne sa tonalité à la philosophie critique de Kant comme à toute existence accordée au monde conformément à la destination de l'être humain. Cette vérité au coeur de notre vie, si nous savons écouter sa voix, ressentir sa force, nous inspire confiance et espérance. Cet ouvrage montre le chemin qui a conduit Kant à découvrir cette vérité. Il a ainsi découvert l'absolu moral et, à travers lui, l'absolu divin. C'est à partir de la foi rationnelle, comprise comme fondement de la vie, que peut alors être renouvelée l'interprétation de Kant."
L'existence de l'homme n'est pas précédée par une essence qui la déterminerait. Mais elle n'est pas plus une création de soi-même détachée d'une exigence morale et d'une destination de l'être humain. L'existence n'est proprement humaine que quand elle surgit et se développe librement, c'est-à-dire quand elle se fonde dans l'articulation du pouvoir de l'esprit et de la loi morale. A ce titre, l'entreprise critique présuppose un contrat d'humanité qui doit être reconnu comme le principe de la pensée kantienne. Il s'agit donc de s'interroger sur la légitimité d'un tel contrat, si l'on veut mettre à l'épreuve la fondation de la philosophie critique.
L'illusion, dans la philosophie de Kant, est généralement interprétée comme ce dont il faut absolument se déprendre. Cet ouvrage reconnaît, quant à lui, l'illusion au sens de Kant dans sa fonction philosophique et dans sa valeur pour l'être humain. L'illusion apparaît ainsi comme prise dans un jeu incessant et nécessaire avec la raison. On comprend alors que l'illusion est un élément essentiel pour notre existence, qu'elle participe de l'éveil de la pensée critique et même la structure. Ainsi, la pensée critique instaure son propre rapport à l'illusion, ce qui apparaît notamment dans l'esthétique kantienne de l'illusion, pièce maîtresse d'une éthique de l'illusion.
La critique kantienne de la démocratie est sans appel. La démocratie relève, selon Kant, d'une manière de gouverner non pas républicaine mais despotique : la volonté publique du législateur se confond avec la volonté privée du chef de l'Etat. Comment le peuple souverain peut-il être représenté dans un système où c'est la majorité qui fait la loi ? Pourtant, le républicanisme au sens kantien ne saurait s'opposer à l'idéal démocratique, car l'idée de démocratie traduit politiquement la morale kantienne. Cet ouvrage montre comment la démocratie doit se constituer, dans une recherche incessante de son propre sens. Ce sens n'est autre que celui de notre humanité.
La pensée (dans le sens d'une pensée disciplinée par l'exigence critique) est, pour Kant, le lieu de fondation de l'humanité. Dès lors, ne faut-il pas interpréter le mouvement auto-constituant de cette pensée, la mise en oeuvre de ses articulations architectoniques, comme l'auto-institution même de l'homme ? Ainsi comprise, l'architectonique serait, le plus originairement, une anthropologie, et plus précisément une éthique. Telle est la thèse du présent ouvrage.
L'effort kantien pour constituer la pensée comme système est indissociable du principe de l'auto-institution de l'essence de la pensée comme exigence de systématicité. Penser, c'est instituer une pensée qui doit se fonder elle-même en permanence dans le respect d'une certaine " éthique ". Interrogeant la condition de possibilité de cette auto-fondation, l'ouvrage fait apparaître la pensée comme expérience de la liberté ou expérience des limites, la pensée étant à la fois ce qui " passe " à la limite et ce qui tend vers ses propres limites.
La question : "Qu'est-ce que penser ?" n'est pas traitée ici dans la perspective théorique d'une définition "epistémologique" (c'est-à-dire représentationnelle) du penser. L'essence de l'effectivité du penser, de son mouvement de constitution, mais aussi la signification et la valeur de la pensée pour l'homme ne sauraient être mises au jour que dans l'experience même de la pratique pensante. A cet égard, l'expérience de la pratique kantienne de la pensée se révèle être particulièrement éclairante : interprétée comme auto-instituée dans l'idée du sens commun, la pensée se manifeste comme une pratique de la liberté et un lieu de fondation de l'humanité.
Le problème de l'instauration du transcendantalisme criticiste comme épochè pose d'une manière radicale le problème du penser en son pouvoir d'effraction. L'architectonique de la raison pure est transcendant-ale, ce terme désignant l'essence de la réflexion transcendantale, soit la liberté comme pouvoir propre au transcendantal d'être, en tant que principe du mouvement architectonique, à la fois immanent à et au-delà de tout contenu. La liberté d'être transcendant-ale doit donc aussi bien se comprendre comme trans-cendantale, c'est-à-dire pouvoir d'être et de mettre à distance.