Dans les livres écrits sur mon père, les faits relatés sont en général exacts, mais, pour reprendre une expression de notre nicolas gogol, il n'y a rien de pire qu'une vérité qui ne soit pas vraie.
En ma qualité de fille aînée, j'ai jugé qu'il m'appartenait de défendre la vérité. je dois à la mémoire de mes parents de rompre aujourd'hui le silence. douloureux devoir, certes, car il me faut révéler bien des choses qui, d'ordinaire, ne sortent pas du cercle intime d'une famille.
Trois siècles après une explosion nucléaire, le monde bascule dans un nouvel âge de fer.
L'humanité subit d'étranges mutations. Certains individus ont l'apparence de centaures, d'autres crachent le feu à volonté, ou sont couverts de crêtes de coq. Frustes, méchants, ils vivent dans la saleté et se nourrissent de souris. Dans cet univers d'ignorance, qui pourrait fort bien évoquer la Russie de l'après-perestroïka, il est interdit de posséder des livres, décrétés radioactifs par le régime totalitaire du " Grand Mourza ".
La passion de lecture d'un jeune lettré, Benedikt, va le conduire dans une quête acharnée d'ouvrages anciens. Au fur et à mesure de son ascension, il sera rongé par une peur irrationnelle : celle d'être la victime du Slynx, un félin imaginaire, métaphore de la cruauté, de l'égocentrisme et de l'aveuglement moral qui peuvent dévorer les hommes. Mêlant moeurs, légendes et superstitions de l'ancienne Russie, servi par une écriture truculente, ce roman relève également du fantastique et de la science-fiction dans la meilleure veine des classiques anglo-saxons.
Après dix ans d'absence, Tatiana Tolstoï revient sur la scène littéraire française avec ce recueil de chroniques, publié dans la collection " Pavillons " en même temps que son premier roman, Le Slynx.
Oscillant entre parodie, autoparodie et émotion, sautant d'un pays à un autre, survolant les siècles, elle aborde ici des sujets aussi divers que les errances de la culture russe dix ans après la fin du communisme, les moeurs d'outre-Atlantique, l'écriture, l'enseignement, le désir immodéré de maigrir, la beauté des jambes des femmes... Sardonique et compatissante, lyrique en dépit du féroce bon sens qu'elle affiche, Tatiana Tolstoï n'en finit pas de dire le bonheur d'agencer les mots en de fragiles et miroitantes constructions qui, comme les chapeaux défraîchis de la Belle Epoque, témoignent de la réalité éphémère mais sans prix de la vie.