S'inscrivant dans la démarche de l'École de Francfort, s'efforçant d'unir la dialectique matérialiste du marxisme avec la psychanalyse, dans le cadre d'un projet visant l'émancipation totale de l'homme, la philosophie sociale critique du « Grand Refus » esquissée par Herbert Marcuse est caractérisée par une lecture radicale des écrits de Freud, par l'effort de dépasser son fatalisme et la tentative de s'interroger sur le visage particulier que prennent la répression, la sublimation de la sexualité, le refoulement et l'agressivité dans nos sociétés modernes industrielles très avancées. Ainsi appelle-t-il « surrépression » la répression inutile et irrationnelle qui les caractérise. Cet ouvrage s'efforce de reconstruire l'itinéraire intellectuel et politique de ce grand penseur germano-américain incarnant le désir d'une société future non-répressive, dont l'oeuvre avait atteint, à l'époque de la révolte étudiante et de la Guerre du Vietnam, un rayonnement mondial.
La philosophie de Georges Bataille peut-elle ouvrir des voies nouvelles pour le théâtre ? Bataille affirme que le but de toute entreprise humaine est la perte définitive dans l'instant futile. Un spectacle peut-il projeter le spectateur hors du projet et du calcul ? Le philosophe déclare que seule une communauté régie par l'intérêt général peut répondre à l'insatiable désir humain d'être relié à ses semblables. Un spectacle peut-il arracher le spectateur du monde des choses pour le reconnecter à l'exubérance de la vie ? Au fil des pages, le théâtre s'affirme comme un art de la dépense improductive. La scène, comme une voie pour accéder au non-savoir. Il s'agit de réaccorder l'homme à la connaissance en le plaçant à la mesure de lui-même.
Si les termes « rite » et « rituel » demeurent des mots fort répandus et souvent décriés, au risque d'en perdre aujourd'hui leur sens initial et leur efficience sémantique, il est une formule qui fleurit dans notre société de manière récurrente et dans tous les domaines : celle de performance. Le monde performe sans cesse. Mais la performance interroge l'art et, par ce biais, des rituels contemporains fort étonnants. Cet ouvrage consacre une possible réponse à de nombreux écrits qui considèrent que, dans les champs de l'action artistique, du théâtre, de la chorégraphie et/ou de la vidéo-performance, tout est la même chose, et donc que tout a la même pertinence, sans distinction aucune. Il nous paraît donc nécessaire de cadrer cet espace singulier qu'est la performance-action.
Conçu comme une enquête, cet ouvrage invite à la traversée de quelques oeuvres où l'animal tient un rôle central. En menant des études de cas, à la croisée des champs de recherche, Vincent Lecomte analyse la manière dont l'art contemporain contribue à interroger et à réinventer les rapports et la distribution des places entre l'homme et les autres animaux. Par ses moyens et procédés, la création contemporaine éclaire la relation parfois trouble entre l'humain et les autres vivants. Mais elle révèle aussi une époque qui s'engage dans une investigation critique de ses modalités de pensée et d'existence. En mettant en scène l'animal, les artistes offrent un portrait indulgent, ironique ou acerbe d'une humanité en quête de redéfinition.
Depuis 1963, les régimes baathistes ont tenté de façonner un cinéma à leur image. Ce projet a néanmoins été contesté par des cinéastes qui ont investi cet art en contournant les contraintes fluctuantes imposées par un système de production supervisé par l'Etat. Paradoxalement, dès les années 70, le cinéma financé par le secteur public devient un espace d'expression critique. Cet ouvrage propose une incursion au coeur des films pour saisir ce qu'ils nous disent de l'ordre politique en Syrie jusque dans les années 2000.
Maître Eckhart (1260 - 1328), théologien et philosophe allemand des XIIIe-XIVe siècles, fut à son époque un maître universitaire illustre, un penseur réputé pour son extrême érudition en théologie et en philosophie. Mais il fut aussi un véritable « maître de vie », un prédicateur en langue vulgaire qui employait sa langue maternelle, le moyen haut-allemand, de manière créative. Ses écrits allemands, notamment ses sermons pastoraux, contiennent de nombreuses expressions imagées, sensibles et poétiques. Les sermons en allemand s'adressaient aux gens ordinaires, au peuple des fidèles, aux moines, moniales ou béguines. Sous l'érudition académique, se profile la figure d'un véritable poète théologien, qui a consacré sa vie et sa mission pastorale à célébrer la Parole poétique vivante.
Le présent ouvrage apporte une contribution à la pratique plastique de l'art de la performance, qui pourrait se définir comme un art travaillant les normes de la représentation. À partir de cette pratique, il s'agira d'imposer dans le champ de l'art une figure travestie et dansante, interrogeant les normes du genre et du désir.
Cet essai est la réflexion d'une sage-femme qui, depuis trente ans, a accompagné des femmes pendant leur grossesse et après la naissance de leur enfant, écoutant leur questionnement sur l'arrivée au monde d'un enfant désormais « désiré ». La révolution dans la procréation et la transformation de la famille concerne chacun d'entre nous. Faut-il redouter que les forces aveugles de la nature ou du destin soient remplacées par la rigueur glaciale et anonyme de la technoscience et de son « expertise » ?
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"La lumière transcende son entité qui est de ""rendre les objets visibles"". Mais quelle est cette expérience artistique et quelle est cette lumière qui peut rendre visible l invisible, quand selon Karl Theodor Dreyer : ""Communiquer ses propres émotions est ensisageable par l abstraction car elle permet de transcender l objectivité"" ? Cet ouvrage analyse l esthétique de la lumière de quatre films d Europe du Nord regroupés autour des mêmes thématiques : Stalker, Europa, Trois couleurs bleu et l Homme sans passé."
"La figure de Rosa Luxemburg a souvent été placée au centre des dilemmes ""révolution ou réforme sociale"" et ""socialisme ou barbarie"", tout comme une partie importante de sa contribution politique a été développée entre les deux pôles de la révolution des conseils et la critique de l'expérience révolutionnaire bolchevique. Il reste toujours à développer ses apports au regard de thématiques toujours contemporaines (Classes et Crise) qui relancent l'actualité de la pensée et de la pratique de Rosa Luxemburg."
"Malgré une ressemblance apparente entre Freud et Nietzsche quant au plaisir esthétique, cet ouvrage met au jour des divergences dans leur pensée de l'art. Alors que Freud y voit un phénomène régressif et oppose ainsi l'art à la science, Nietzsche fait de l'art le modèle de toute approche non nihiliste de l'existence. La conception freudienne de la civilisation et donc de l'art s'avère répressive, justifiant le refoulement instinctuel de l'humanité, alors que Nietzsche, par le biais du « retour éternel », prône une réconciliation entre le désir et la mort, imaginant un art permettant une existence qui ose l'émancipation instinctuelle et corporelle."
Cet ouvrage propose de s'interroger sur l'articulation qui peut exister entre l'émotion que provoque la création artistique, tant du point de vue des processus de création que de celui de la réception, et les dispositifs de cognition. Il part du constat que la création artistique, dans son articulation avec l'émotion esthétique, est un processus complexe, sur lequel il n'existe pas de consensus, et dont les approches scientifiques semblent insuffisamment pertinentes. L'enjeu est d'analyser la façon dont les pratiques artistiques, aussi bien dans leur processus de création que dans leur dispositif de réception, reposent sur des constructions cognitives singulières et en quoi ces constructions, dans leur singularité, contribuent aux constructions du monde.
"Quelle est l'origine de l'agir moral ? Avant de posséder la prudence et les autres vertus, le jeune citoyen apprend, par mimétisme, quel bonheur lui est possible et comment y parvenir. Tout comme un apprenti, au sein d'une corporation, acquiert un savoir-faire en refaisant les gestes de ses maîtres. Mais chaque corporation a ses coutumes, et chaque cité ses traditions et valeurs. Faut-il abandonner toute notion universelle du bien ? Chaque culture est plutôt, montre MacIntyre, la rencontre de l'universel et du particulier : cette morale se donne à vivre à travers des moeurs et des lois propres à chaque cité. Bien plus, c'est cette dimension coutumière la morale qui permet son apprentissage et sa transmission. Aucune éthique ne saurait être purement individuelle."
Cet ouvrage passe l'idéalisme philosophique qui a dominé notre histoire intellectuelle, de l'Antiquité à nos jours, au crible du matérialisme. Il fait apparaître son enracinement général dans le faible développement des sciences et des techniques, et sa persistance anachronique aujourd'hui. Critiquant l'influence que la religion a eue sur l'idéalisme, il en montre le rôle néfaste dans l'histoire, en se mettant souvent au service des pouvoirs en place et de leur idéologie. Yvon Quiniou en appelle donc, pour finir, à un réveil de la philosophie : un matérialisme accordé aux sciences et motivé par l'idéal progressiste d'une humanité émancipée, dont Marx nous a fourni l'idée.
Le désert, un visage, une trace : la vie. Pour remonter la trace invisible vers ce visage aperçu quarante ans plus tôt, l'auteure entreprend une double analyse de la relation, phénoménologique puis herméneutique, afin d'en désigner les contours et d'en chercher le sens. Les apories laissées béantes par le visage levinassien sont autant de défis jetés à l'éthique : peut-on penser une relation qui préserverait les absolus en présence ? Si connaître autrui est toujours le méconnaître, y a-t-il une place disponible pour la reconnaissance ? Le sujet-otage toujours à l'accusatif chez Levinas, la fuite indéfinie du visage d'autrui, fragilisent la relation elle-même : qui reste-t-il en présence dans ce désert relationnel ? Si la relation est toujours réduction de l'autre au même, quel sens peut-elle encore avoir ? La rencontre entre sujets ne peut faire l'économie de la traversée du non-sens - le mal sous toutes ses formes : c'est alors au coeur même de la différence entre l'un et l'autre que sera cherchée la source du sens lui-même.
"À la manière de Sartre, qui renonce à la question de l'essence de la littérature et lui préfère celle de son utilité, Deleuze interroge, non l'essence de l'art, mais son usage pour le philosophe. Selon Deleuze, l'art est nécessaire au philosophe pour penser sa propre condition. En effet, pour échapper à la représentation qui dénature et assujettit la pensée, la philosophie exige un détour par l'art qui transforme à la fois l'exercice de la pensée et les conditions de l'expérience. L'usage de l'art, c'est ce que fait l'art. L'art capte des forces (il rend visibles des forces invisibles) et transforme, à la fois, l'artiste et le corps social (il bouleverse les manières de sentir et de penser). Cette nouvelle manière de penser et d'user de l'art déborde le cadre habituel des études esthétiques. Il s'agit ici d'établir une périodisation de la question de l'art dans l'oeuvre de Deleuze, en fonction des problèmes qu'il pose. On retiendra trois périodes qui sont trois philosophies de l'art : la première accorde la priorité à la littérature ; la deuxième opère le passage du littéraire au sémiotique, en mettant en lumière le rôle politique de l'art ; et la troisième élabore une sémiotique de l'image, à partir de la peinture et du cinéma."
Retrouver par surprise d'anciennes photos argentiques dont il ne subsiste parfois que les négatifs, ou d'anciennes photos numériques oubliées, à peine regardées, enfouies dans nos circuits numériques saturés, ce peut être souvent l'occasion d'une réactivation de nos mémoires charnelles, dans une suite d'intuitions incertaines et chaotiques, de pensées énigmatiques, d'émotions nostalgiques. Les photos retrouvées ne sont pas de simples et plats enregistrements de scènes de vie révolues, des « Morts plates », selon l'expression de Roland Barthes. Elles sont, au contraire, des inducteurs fortuits de nos mémoires fractalisées.
Dans les Essais de Montaigne, un essai domine tous les autres : l'Apologie de Raymond Sebond. Dans ce chapitre, véritable oeuvre dans l'oeuvre, la défense de Sebond se transforme en illustration du scepticisme dynamique de Montaigne. L'auteur propose ici, de manière inédite, un commentaire philosophique intégral de ce texte majeur de la philosophie française. S'en dégage un anti-rationalisme restitué dans toute sa cohérence qui paraît bien situer la pensée de Montaigne du côté d'un pyrrhonisme fidéiste ou d'un fidéisme sceptique.
On interprète généralement la philosophie morale de Kant à partir d'un certain nombre de thèses devenues classiques et qui demeurent souvent ininterrogées. Il est ainsi entendu que la morale chez Kant ne se fonde pas sur la religion et qu'elle ne présuppose pas l'existence de Dieu, que la liberté constitue la clé de voûte du système et que l'autonomie du sujet moral en est le coeur. Mais ces thèses, qui sont exactes, ne peuvent être pleinement comprises qu'en rapport avec la question de Dieu. La liberté de l'homme et l'absolu même de la loi morale renvoient au mystère insondable de l'existence de Dieu et de la présence du divin en l'homme. Dieu, et non sa seule idée, est même reconnu dans les derniers écrits comme le principe suprême de la philosophie. Il est alors possible d'interpréter la pensée kantienne tout entière comme un chemin vers Dieu et même, à un certain point de vue, comme une phénoménologie du divin.
La pensée de deux auteurs incontournables des études féministes anglo-américaines : Sandra Harding et Donna Haraway est ici explorée. L'ouvrage introduit les trajets de ces deux auteures autour du statut « épistémologique » donné à l'expérience des femmes, la critique de l'objectivité dans les sciences et technosciences contemporaines, leur approche des mondes « non humains », et leurs propositions pour des savoirs « positionnés » et « situés ». S
La notion de genre est mise en regard du concept de sexe, dont on défend la pertinence politique et d'égalité comme horizon d'une émancipation, d'un bien vivre-ensemble. De nombreux champs sont couverts, de la philosophie politique aux arts contemporains en passant par la théorie littéraire ou la muséologie. Les rapports entre sexe et genre sont remis en perspective historique des anciens Grecs à la pensée politique contemporaine. Parole est ici donnée à Geneviève Fraisse, ainsi qu'à de jeunes talents.
Cet essai aborde la théorie de l'inconscient élaborée par Deleuze et Guattari en 1972 dans L'Anti-Oedipe. Il met en évidence le rôle central de la pulsion de mort dans ce livre emblématique des « philosophies du désir » des années 70. A la lumière de textes psychanalytiques et philosophiques, le projet deleuzo-guattarien est ici présenté dans toute sa cohérence, avec les principales transformations conceptuelles qu'il mobilise.