Seuil
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"Les gens sont hallucinants, quand même ! ils veulent des forêts, des oiseaux et des rivières, ils veulent du temps libre, des fleurs pour le docteur et des repas de famille. Alors qu'ils pourraient dégager des profits ! Envoyez la Brav-M sur ces imbéciles !".
Deux écrivaines, sept dessinatrices ou dessinateurs racontent avec leurs mots ou dessins ce qu'ils ont vu et comment ils ont interprété les manifestations contre la réforme des retraites, ou celle de Sainte-Soline, ainsi que les réactions du pouvoir. -
On nous l'annonce comme imminente, et inéluctable. Une catastrophe lente à venir. On nous l'annonce depuis si longtemps, mais est-ce pour nous alerter ou pour nous habituer ? Je n'avais pas vingt ans quand on commença à parler de « la montée du Front national ». C'était lent et puissant, comme une marée. Cela n'a jamais cessé depuis, et j'aurai plus de soixante ans en 2027 quand... mais quand quoi, au fond ? C'est qu'entre-temps, je suis devenu historien, et j'ai appris qu'on peut craindre, ou espérer, un événement qui, lorsqu'il advient n'est pas le surgissement de l'inconnu mais la poursuite du connu, et que c'est parfois pire. Car l'on se rend compte alors, mais trop tard, qu'à force de l'attendre, on n'a pas compris qu'il était déjà advenu.
« Nous en sommes là. Le temps est aujourd'hui si lourd qu'il oblige l'historien que je suis devenu à tenter de poser un diagnostic sur l'aujourd'hui, non pour prendre position mais, une fois encore, pour prendre date. Car l'expérience de la durée épidémique et la conscience de la crise climatique ont tout changé à la notion même de danger imminent. Sans cesse retardé, il est devenu notre actualité. Et nous ne pouvons donc plus nous contenter d'assister, impuissant, au désespérant spectacle d'un compte-à-rebours. Il est encore temps de sortir de la nasse, mais il convient pour cela de se saisir du temps qui reste. » P. B -
Alors que l'écologie nous rappelle que nous avons besoin de sobriété, que tout est lié, que nous sommes tous interdépendants, l'euthanasie et le suicide assisté consacrent l'homme autosuffisant, insatiable et performant. Il est pour moi incompréhensible que la gauche, en Belgique comme en France, relaie le mirage libéral de « se posséder soi-même ». Nous ne sommes pas auto-entrepreneurs de nos vies, et nous n'avons pas à déposer le bilan.
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Que dirait aujourd'hui Hannah Arendt en apprenant que Benjamin Netanyahu a créé une agence gouvernementale de « l'identité nationale juive » ? Dès 1951, elle alertait des dangers qui guettaient l'État-nation Israël à sa création : « Cette solution de la question juive n'avait réussi qu'à produire une nouvelle catégorie de réfugiés, les Arabes accroissant ainsi le nombre des apatrides et des sans-droits de quelque 700 000 à 800 000 personnes. »
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Nous manquons de professeurs. Il faut dire que de réformes bâclées en promesses non tenues, le métier n'a cessé d'être discrédité depuis des décennies. Face à des décisions politiques et des discours publics qui ont contribué à produire une pénurie aujourd'hui devenue structurelle, il est urgent de redonner sa pleine valeur à cette profession. Il convient également d'en rappeler le sens et la portée. Car, là, se joue rien de moins que la découverte par nos enfants de ce qui libère et ce qui unit. Et donc, l'avenir de notre démocratie.
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L'opposé de la blancheur : Réflexions sur le problème blanc
Léonora Miano
- Seuil
- Libelle
- 6 Octobre 2023
- 9782021540710
La domination d'un Occident raciste, à l'intérieur de ses frontières et au-delà, n'a pu que renforcer les préjugés à l'encontre des personnes définies comme Noires. Parce qu'il en est ainsi, il est illusoire de se dire Blanc par simple convention, sans le moindre rapport avec l'histoire qui créa cette catégorie. La blanchité s'est élaborée dans le cadre de la plantation pour sévir ensuite dans l'espace colonial sur tous les continents et se consolider au sein des sociétés multiethniques de l'Euramérique contemporaine. Elle est une manière d'approcher l'autre qui se caractérise par le crime.
Léonora Miano se livre à une analyse aussi fine qu'implacable de ce « problème blanc », depuis les traites négrières et la colonisation jusqu'au présent. Car, sans prise de conscience de ce qu'est la blanchité, il est impossible de transformer ce qui s'est transmis de génération en génération, à la fois comme un patrimoine et un secret de famille, certes gênants mais qu'il nous faut regarder en face. Il se passera du temps pour vider la race de toute signification et guérir le monde. Cela ne signifie pas qu'il faille baisser les bras. C'est en ayant conscience de l'ampleur de la tâche que l'on pourra s'y atteler. -
Les sécheresses estivales et hivernales que connaît la France mettent de nombreuses régions sous tension hydrique. Loin d'être exceptionnelle, cette situation va devenir notre quotidien. Face au risque d'une crise de l'eau, ressource naturelle la plus menacée par le dérèglement climatique, le « plan eau » du gouvernement propose des ajustements techniques tournés vers le court-terme et quelques intérêts privés. Il y a pourtant urgence à réinterroger les usages de l'eau, son partage et sa gestion, et à déployer une nouvelle politique - déjà à l'oeuvre sur de nombreux territoires urbains et ruraux - essentielle à la garantie d'une Terre habitable.
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Le culte des racines et l'Europe des régions
Françoise Morvan
- Seuil
- Libelle
- 3 Novembre 2023
- 9782021534894
L'instrumentalisation de la langue et de la culture bretonnes à des fins politiques est à mettre en relation avec ce qui se passe au Pays basque, en Catalogne, en Écosse, au pays de Galles, en Italie, en Belgique et dans toute l'Europe.
Mais comment s'opposer à l'assignation identitaire imposée par un patronat organisé en puissant lobby dès lors que l'ethnorégionalisme promu sous l'habillage du localisme heureux trouve le soutien de la gauche comme de la droite la plus dure ? Le culte des racines accompagne l'instauration d'une République à dimension variable pour le plus grand profit du néolibéralisme. -
Un mauvais usage du monde : politique du glyphosate et des OGM
Stéphane Foucart
- Seuil
- Libelle
- 2 Juin 2023
- 9782021536027
Le glyphosate, mieux connu sous le nom commercial Roundup, est bien plus qu'un produit toxique et cancérogène destiné à se débarrasser des mauvaises herbes. C'est la pierre angulaire d'un système économique et industriel qui permet et encourage un certain usage du monde et du vivant - une culture intensive d'OGM à moindres frais -, et qui, ainsi, fait de la politique sans le dire.
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Pourquoi les adultes s'autorisent-ils à dénigrer, moquer, discréditer quotidiennement la parole des enfants et des adolescents ? Qu'auraient-ils à perdre à les prendre au sérieux ? La vérité qui sort de leur bouche nous ferait-elle si peur ? L'infantisme - cette discrimination à l'encontre des mineurs, fondée sur la croyance qu'ils appartiennent aux adultes et qu'ils peuvent, voire qu'ils doivent, être contrôlés - est omniprésente dans nos sociétés ; Greta Thunberg en est le triste symbole sur la scène internationale. Pourtant, nous n'avons pas encore pris conscience de ce fléau. Désigner l'infantisme est l'étape indispensable pour amorcer le changement de comportement qui s'impose à notre société. Car elle a tout à gagner, y compris économiquement, à sortir de l'infantisme.
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Pour ou contre les conservatoires : de l'urgence de pratiquer la musique
Raphaël Imbert
- Seuil
- Libelle
- 13 Octobre 2023
- 9782021539288
Des lieux publics à nos écouteurs, nos vies sont baignées de musiques auxquelles nous avons un accès immédiat et consumériste. En miroir inversé, l'enseignement artistique - et particulièrement musical - subit en France une crise larvée, malgré un maillage territorial de conservatoires unique au monde. L'apprentissage, jugé trop élitiste, trop théorique, trop classique, est supposé décourager nombre d'élèves. À quoi sert la musique ? Comment remettre la pratique au coeur de la cité ? Le plus swing des directeurs de conservatoire répond.
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Nous vivons désormais dans une vallée oubliée, mi-française mi-italienne, une vallée à l'entre-deux, à l'entre-droit et devoir, où la compassion devient répressible, où le droit s'oppose à une morale, où la morale s'impose au pouvoir. Mais où nous avons créé une utopie capable de résister.
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Celui qui a poignardé Salman Rushdie le 12 août 2022 à New York n'était pas né en 1989, lorsque l'ayatollah Khomeiny lançait une fatwa condamnant à mort l'auteur des Versets sataniques. Que s'est-il passé d'irrévocable avec ce roman pour que trente-trois ans plus tard, l'acharnement continue ? Pourquoi un écrivain est-il devenu le bouc émissaire de la confrontation identitaire entre L'islam et l'Occident ? La réplique ici est de donner à lire une oeuvre qui va plus loin que le blasphème.
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Étrange obsession française : parier sur une énergie devenue marginale dans le monde, plus coûteuse que les énergies renouvelables, et créant des risques incommensurables. Mais le nucléaire n'est pas seulement le signe de la faillite de la classe dirigeante du pays. Il exprime une vision du monde dépassée, rêvant d'une croissance sans limite et permettant de maintenir un ordre inégal et autoritaire. Face au climat, il nous faut repasser par la raison : les voies de l'avenir sont une économie vraiment sobre et reposant sur les énergies renouvelables.
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Par-delà l'androcène
Adélaïde Bon, Sandrin Roudaut, Sandrine Rousseau
- Seuil
- Libelle
- 26 Août 2022
- 9782021513165
Androcène, l'ère de l'homme. Enfin, de certains. L'ère au cours de laquelle une poignée d'oppresseurs, différents selon les lieux ou les époques, ont exploité et asservi la multitude pour leurs intérêts propres. Une ère dont nous pourrions sonner la fin, dans nos intérêts communs.
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Mesurer le racisme, vaincre les discriminations
Thomas Piketty
- Seuil
- Libelle
- 11 Février 2022
- 9782021505092
Disons-le d'emblée : aucun pays n'a inventé de système parfait permettant de lutter contre le racisme et les discriminations. L'enjeu est d'imaginer un nouveau modèle, transnational et universaliste, qui replace la politique antidiscriminatoire dans le cadre plus général d'une politique sociale et économique à visée égalitaire et universelle, et qui assume la réalité du racisme et des discriminations - pour se donner les moyens de les mesurer et de les corriger, sans pour autant figer les identités, qui sont toujours plurielles et multiples.
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Jacques Chirac, condamné pour atteintes à la probité. Son Premier ministre, Alain Juppé, condamné. Nicolas Sarkozy, deux fois condamné et multi-mis en examen pour avoir été financé par une dictature étrangère. Son Premier ministre, François Fillon, condamné. Un ministre responsable de la lutte contre la fraude fiscale, Jérôme Cahuzac, condamné pour... fraude fiscale. L'actuel ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, mis en examen pour avoir fait pression sur des magistrats anti-corruption. On peut chercher longtemps, aucune autre grande démocratie occidentale contemporaine n'est lestée d'un tel CV.
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Parcoursup constitue désormais une épreuve clef dans la vie de chaque adolescent. Cette initiation à la violence managériale et algorithmique se montre comme une préprofessionnalisation des élèves qui, paradoxalement, ne s'accomplirait que par l'humiliation des voeux refusés et des lettres de motivation jamais lues. Il en aurait été autrement si le pouvoir avait préféré investir dans la création d'universités. Parcoursup n'est pas une erreur, mais l'instrument de la brutalité d'un État qui veut imposer le privé comme modèle.
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Si le XVIIIe siècle a été pour Kant « le siècle de la critique à laquelle il faut que tout se soumette », le temps où nous vivons signe le triomphe de la confusion à laquelle rien n'échappe. Mais la critique ne se limite pas à un exercice intellectuel et mental, la marque de ce qu'on appelle l'« esprit critique ». Elle est une attitude et même un geste, une manière de dire, de penser et d'agir et surtout une exigence politique. C'est l'une des conditions du vivre-en-commun et sa force aujourd'hui nous manque.
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La justice au travail : quelques leçons de l'histoire
Alain Supiot
- Seuil
- Libelle
- 18 Mars 2022
- 9782021509311
De Solon aux gilets jaunes, l'expérience maintes fois répétée dans l'histoire nous enseigne que l'injustice, lorsqu'elle dépasse certaines bornes, engendre inévitablement la violence et menace la paix, aussi bien entre les nations qu'en leur sein. La justice sociale n'est pas un supplément d'âme pour des idéalistes au bon coeur, mais un gage de stabilité pour des politiques réalistes. L'histoire peut-elle aussi nous apprendre ce qu'est la justice ? Ou bien ne nous laisse-t-elle voir que les funestes effets de son absence ?
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Et si l'Ukraine libérait la Russie ? Cette phrase semble indécente alors que la guerre fait rage, que l'Ukraine est ravagée, que la Russie s'efforce de détruire toutes ses infrastructures civiles ; alors que l'on découvre de jour en jour des dizaines et des dizaines de crimes de guerre perpétrés par l'armée russe ; alors que c'est l'existence même de l'Ukraine, en tant que pays et en tant que nation, qui est mise en cause par Vladimir Poutine.
Et si l'Ukraine libérait la Russie ? Je veux dire, si l'électrochoc provoqué par le désastre ukrainien arrivait, en Russie, à réveiller les consciences, et à changer l'Histoire russe ? -
Le système Bolloré, c'est la logique d'un empire médiatique mis au service d'une pensée qui trouvera facilement d'autres pantins pour la représenter. Pour sortir du système B comme de la dystopie Z, il est grand temps de réinvestir la question de la gouvernance et de la propriété des médias - et de créer enfin des télés véritablement libres. De garantir les conditions de la survie d'une pensée libre. De mettre fin à l'OPA de quelques milliardaires sur l'ensemble du débat d'idées.
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Plus ils ânonnaient le mot « République » à toutes les phrases, plus ils en bafouaient les termes. Le pouvoir en place à agi avec démagogie en s'appuyant sur le triptyque surveillance de tous/logique de guerre/état d'urgence permanent. Et toute personne contestant l'efficacité de ces choix s'est vu immédiatement ranger au rayon des ennemis de la République.