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Verticales
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«J'ai conçu Canoës comme un roman en pièces détachées : une novella centrale, Mustang, et autour, tels des satellites, sept récits. Tous sont connectés, tous se parlent entre eux, et partent d'un même désir : sonder la nature de la voix humaine, sa matérialité, ses pouvoirs, et composer une sorte de monde vocal, empli d'échos, de vibrations, de traces rémanentes. Chaque voix est saisie dans un moment de trouble, quand son timbre s'use ou mue, se distingue ou se confond, parfois se détraque ou se brise, quand une messagerie ou un micro vient filtrer leur parole, les enregistrer ou les effacer. J'ai voulu intercepter une fréquence, capter un souffle, tenir une note tout au long d'un livre qui fait la part belle à une tribu de femmes - des femmes de tout âge, solitaires, rêveuses, volubiles, hantées ou marginales. Elles occupent tout l'espace. Surtout, j'ai eu envie d'aller chercher ma voix parmi les leurs, de la faire entendre au plus juste, de trouver un je, au plus proche.»(M. de K.)
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J'ai voulu raconter l'amour tel qu'il est vécu la plupart du temps par la plupart des gens : sans crise ni événement. Au gré de la vie qui passe, des printemps qui reviennent et repartent. Dans la mélancolie des choses. Il est nulle part et partout, il est dans le temps même. Les Moreau vont vivre cinquante ans côte à côte, en compagnie l'un de l'autre. C'est le bon mot : elle est sa compagne, il est son compagnon. Seule la mort les séparera, et encore ce n'est pas sûr. F. B.
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«Le coeur de Simon migrait dans un autre endroit du pays, ses reins, son foie et ses poumons gagnaient d'autres provinces, ils filaient vers d'autres corps.» Réparer les vivants est le roman d'une transplantation cardiaque. Telle une chanson de geste, il tisse les présences et les espaces, les voix et les actes qui vont se relayer en vingt-quatre heures exactement. Roman de tension et de patience, d'accélérations paniques et de pauses méditatives, il trace une aventure métaphysique, à la fois collective et intime, où le coeur, au-delà de sa fonction organique, demeure le siège des affects et le symbole de l'amour. Ce roman a reçu dix prix littéraires parmi lesquels le prix du Roman des étudiants France Culture -Télérama 2014, le Grand Prix RTL- Lire 2014, le prix des lecteurs L'Express - BFMTV 2014 et le prix Relay des Voyageurs 2014 avec Europe1.
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" les petits cons de la corniche.
La bande. on ne sait les nommer autrement. leur corps est incisif, leur âge dilaté entre treize et dix-sept, et c'est un seul et même âge, celui de la conquête : on détourne la joue du baiser maternel, on crache dans la soupe, on déserte la maison. " le temps d'un été, quelques adolescents désoeuvrés défient les lois de la gravitation en plongeant le long de la corniche kennedy. derrière ses jumelles, un commissaire, chargé de la surveillance de cette zone du littoral, les observe.
Entre tolérance zéro et goût de l'interdit, les choses vont s'envenimer. apre et sensuelle, la magie de ce roman ne tient qu'à un fil, le fil d'une écriture sans temps morts, cristallisant tous les vertiges.
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Le monde à portée de main s'attache à la technique du trompe-l'oeil, en privilégiant le destin d'un personnage, Paula Karst, et son itinéraire d'apprentissage. Nous la découvrons au sortir de l'adolescence, alors qu'elle intègre en 2007 le fameux Institut supérieur de peinture, rue du Métal, à Bruxelles.
Là-bas, elle va découvrir toutes les façons de reproduire des textures minérales, végétales, animales, et nouer une relation troublante avec son colocataire, Jonas - énigmatique jeune homme à casquette qui s'avère déjà un peintre en décor surdoué -, ainsi qu'une forte amitié avec une autre étudiante, Kate - grande gigue écossaise aussi débrouillarde qu'impulsive.
Ensemble, ils forment un trio indéfectible qui nous initie aux mystères de la maille de chêne, aux veinules d'or du marbre noir Portor et aux écailles imbriquées d'une carapace de tortue.
Une fois diplômée, Paula commence à exercer son métier à Paris, à Moscou, et surtout en Italie, en particulier au coeur de la « Fabbrica dei sogni » : Cinecittà. Elle va y déployer son savoir-voir notamment pour le décor du film Habemus Papam, avant de tomber sous le charme d'un « faussaire » aguerri, le Charlatan, qui lui fait découvrir les splendeurs et décrépitudes des studios romains. Au final, sept années épuisantes et ensorcelantes.
Au terme de ces expériences, Paula reçoit en janvier 2015 une proposition de rêve, via Jonas qui a décliné l'offre : être embauchée dans le vaste projet de reconstitution de la grotte de Lascaux. La voilà qui migre en Dordogne, s'imprègne de l'archéologie des images rupestres pour participer au « fac-similé ultime », Lascaux IV. Les origines du monde sont « à portée de [sa] main ». Maintenant, elle se sent fin prête à peindre, comme aux premiers jours de l'humanité.
Ce roman d'apprentissage esthétique et existentiel s'intéresse autant au parcours d'une jeune femme en devenir qu'aux enjeux majeurs d'un artisanat du faux, culminant dans la réplique à l'identique des oeuvres pariétales de nos lointains ancêtres. En consacrant sa fiction à un mode mineur, sinon méprisé, de la peinture, Maylis de Kerangal nous donne aussi la clef du matérialisme enchanté qui habite son écriture.
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«Ce jour-là, le 25 août 2015, l'événement n'est pas : un ours attaque une anthropologue française quelque part dans les montagnes du Kamtchatka. L'événement est : un ours et une femme se rencontrent et les frontières entre les mondes implosent. Non seulement les limites physiques entre un humain et une bête qui, en se confrontant, ouvrent des failles sur leurs corps et dans leurs têtes. C'est aussi le temps du mythe qui rejoint la réalité ; le jadis qui rejoint l'actuel ; le rêve qui rejoint l'incarné.»
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«À l´aube du second jour, quand les buildings de Coca montent, soudain perpendiculaires à la surface du fleuve, c´est un autre homme qui sort des bois, c´est un homme hors de lui, c´est un meurtrier en puissance. Le soleil se lève, il ricoche contre les façades de verre et d´acier, irise les nappes d´hydrocarbures moirées arc-en-ciel qui auréolent la surface du fleuve, et les plaques de métal taillées en triangle qui festonnent le bordé de la pirogue, rutilant dans la lumière, dessinent une mâchoire ouverte.» Ce livre part d´une ambition à la fois simple et folle : raconter la construction d´un pont suspendu quelque part dans une Californie imaginaire à partir des destins croisés d´une dizaine d´hommes et femmes, tous employés du gigantesque chantier. Un roman-fleuve, «à l´américaine», qui brasse des sensations et des rêves, des paysages et des machines, des plans de carrière et des classes sociales, des corps de métiers et des corps tout court.
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«Dans le noir, la monstre fait même peur aux loups enragés sous mon lit sauf que je ne peux pas m'enfuir de ma peau. Je veux que quelqu'un la tue mais personne ne la voit. Je veux qu'elle meure mais je ne sais pas comment elle s'appelle. Je cherche son nom partout.» La folie qui parcourt ce roman électrise par sa brutale justesse et la sauvagerie poétique de son regard sur le monde.
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Une famille n'est jamais autant une famille qu'en vacances. En vacances on voit sa peau.Durant leur congé estival à Royan, les Legendre sont très performants:la mère excelle en communication de crise, la petite en piano, et le père en running. Sa montre GPS compte ses pas. Chaque jour davantage de pas. Cette famille de la bourgeoisie parisienne est en croissance.Seul le petit dernier tarde à performer. Tarde à apprendre à lire. Ou refuse d'apprendre. Il fait peut-être de la résistance passive. Sur une plage, il creuse un trou pour l'évasion.
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«Une seconde passe. A priori, rien n'explose, ou c'est imperceptible, infra-sonore.» De retour dans la forêt des Landes suite à l'incarcération de son frère aîné, rattrapé par ses souvenirs d'enfance, harcelé par les SMS & SOS du détenu, bouleversé par l'agonie du père, cerné par les huissiers, Alexandre Labruffe oscille entre stupeur et parano, non-dits et délires. Via cette généalogie du désordre, ponctuée de moments burlesques ou de phases paniques, il brise le miroir, parle à ses fantômes.
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écrits fantômes : lettres de suicides (1700-1948)
Vincent Platini
- Verticales
- 12 Octobre 2023
- 9782073036001
Après plus de quatre ans de recherche dans divers fonds d'archives en France, Vincent Platini a sélectionné 220 lettres de suicides composées par 171 personnes ayant mis fin à leurs jours, ou tenté de le faire, entre 1700 et 1948. Avec cet ouvrage pionnier, il s'agit de montrer comment des inconnu·es ont pris la plume pour intégrer un ultime message à la mise en scène de leur suicide et donner une esthétique à leurs derniers instants. Selon dix cercles thématiques, le recueil présente les circonstances de ces actes et les données historiques qui s'y rapportent. Il donne aussi à voir la matière des lettres, leur corps, leurs accents. Ces papiers raturés ne sont ni de belles missives ni le témoignage de vies héroïques. Ils témoignent de morts minuscules. Rien d'indécent, ni de sordide. Des écrits fragiles, fantômes, chargés de puissance.
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Pâques 2018, des milliers d'oiseaux ivres s'envolent à la lisière d'une forêt. C'est très beau et très inquiétant. La promenade vire au cauchemar. Sur quel fil tirer pour ne pas se perdre dans le labyrinthe de ses peurs ? Qu'est-ce que le temps quand on n'a plus de temps ? Comment vivre maintenant ? À l'instant du danger, un homme se confronte à ses deuils et à ses traumatismes. Par temps d'orage, il trace des lignes d'éclairs. Pour s'arracher au rêve de son histoire familiale et à notre hallucination collective, il fait «exploser le passé dans le présent». Son récit très intime progresse par déflagrations, il s'inspire de grands fulgurés pour mieux se porter au seuil des métamorphoses.
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Ne rien dire, ne pas s'envoler dans le commentaire, rester à la confluence du savoir et de l'ignorance, au pied du mur. Montrer comment c'est, comment ça se passe, comment ça marche, comment ça ne marche pas. Diviser les discours par des faits, les idées par des gestes. Juste documenter la quotidienneté laborieuse.
Entre les murs s'inspire de l'ordinaire tragi-comique d'un professeur de français. Dans ce roman écrit au plus près du réel, François Bégaudeau révèle et investit l'état brut d'une langue vivante, la nôtre, dont le collège est la plus fidèle chambre d'échos.
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Chroniques d'une station-service donne la parole à un pompiste, un certain Beauvoire, dont le patronyme aux résonnances littéraires ne change a priori rien à sa fonction routinière : gérer via les écrans de contrôle les allées et venues des automobilistes, tenir la caisse ou le bar.
Sa station-service, située à Pantin en banlieue limitrophe de Paris, pourrait devenir l'épicentre d'un drame social ou d'un braquage avec force adrénaline, mais l'auteur a préféré en faire le poste d'observation idéal du contemporain à travers les yeux d'un être moins quelconque qu'il n'y paraît.
D'un tempérament contemplatif, l'employé-narrateur scrute et commente l'apparente inertie du quotidien (« non-agir » et « non-être »). En « vigie sociétale », il traque jour après nuit des bribes de transcendance ou de poésie involontaire dans les discours et les attitudes des clients, tel un « zombie mélancolique » épiant depuis sa « capsule » un univers qui lui serait étranger.
De cette position, il tire une réflexion sur l'espace périurbain avec drôlerie et gravité : l'essence comme drogue en déclin d'une société postmoderne (« un monde totalement junkie dont je serais le principal dealer »). D'où les références amusées, voire détournées, du pompistephilosophe aux écrits de Jean Baudrillard ou à une biographie de Scott Fitzgerald, ainsi que les débats érudits avec son pote Nietzland durant leurs interminables parties de dames.
Sublimant l'art du bref en authentique roman, Alexandre Labruffe nous entraîne dans un dédale fictionnel, une multiplicité d'intrigues minimalistes, où se débat la conscience d'un individu à la fois hors du temps et extra-lucide sur son époque. Tendre et caustique, Chroniques d'une station-service est une tentative d'épuisement d'un non-lieu exemplaire, sinon d'une société en manque - d'essence, de sens. Par petites touches impressionnistes, l'auteur explore le terrain de l'infra-ordinaire, du fiasco, de l'acte manqué, pour en extraire les matières premières d'une imagination déjantée.
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Le noir est une couleur naît avec les années 60. Une jeune mère s'enfuit en Allemagne avec ses enfants et Bill, son amant noir américain, arraché à un asile psychiatrique genevois. Au terme de leur cavale, l'étrange famille va échouer à Munich, ville a priori hostile à leur mauvais genre. Petit à petit, pour survivre et échapper à l'inertie psychique de son compagnon, la narratrice va, sans souteneur ni tabou, se livrer à la prostitution. Loin du témoignage misérabiliste d'une déchéance, le récit s'éclaire d'une passion parallèle, celle de Grisélidis pour Rodwell, un soldat noir américain rencontré dans un bordel. Cet amour fait basculer le livre qui irradie alors un parfum de marijuana et de réalisme halluciné. On y découvrira l'envers du miracle de la reconstruction de l'Allemagne, celle des boîtes de jazz pour GI's, des petits trafiquants de came et des campements de rescapés tziganes. La force documentaire, l'énergie stylistique et l'anticonformisme de ce destin féminin forment un cocktail détonnant.
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Dans le fumoir d'un pavillon de l'hôpital Sainte-Anne, tr ois hommes et trois femmes se confrontent à leur passé secrètement lourd d'abjections quotidiennes et de compromissions.
Orchestrée par le fantôme du Docteur Lenoir, une étrange partie de Cluedo tiendra lieu de procès, laissant au fil des tours chacun se démasquer.
Tous ont commis un crime : celui d'avoir cédé, de s'être adapté, de s'être fait les serviles serviteurs d'un système, d'avoir plié le genou devant les valeurs dominantes.
Pour ces six personnages en quête de coeur, les pathologies ne sont que des refuges, ultime échappatoire après une trop tardive prise de conscience. Attachants dans leur aveuglement, ils n'en restent pas moins coupables. Représentatifs à l'extrême des travers de la société contemporaine ; victimes, ces personnages ne le sont certainement pas.
Je ne vous rendrai pas ce qui fut dévoré. Je ne vous rendrai rien, ni mémoire, ni hommage, ni monnaie de la pièce. Je ne suis pas là pour ça. Même s'il est évident que je vous ai menti. J'ai dit à mon entrée : je ne suis pas là pour vous juger. Je suis bien là pour écouter, accoucher peut-être, constater, accompagner vos sales aveux. Je ne suis pas là pour vous juger, je persiste mais j'ajoute : nuance. Lorsque j'ai dit juger je ne songeais pas verdict, je pensais à la peine, il y en a assez, assez tellement de peine qu'on dirait du chagrin.
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Depuis quelques années, La Dactylo essaime aux quatre coins de l'Hexagone ses pochoirs doux-amers inspirés par des sujets d'une éternelle actualité : l'absurde et sa beauté, les occasions d'ébriété, les amours contrariées, les états d'âme de la société, les fausses citations de célébrités... Elle trouve dans cette pratique illicite une nouvelle identité et une multitude d'abonnés sur son compte Instagram. Ses aphorismes ici exposés, entre photos couleurs et jeux typographiques, prêtent à rire et à penser. Avec Démo d'esprit, les marges du street art, assumant à la fois impact visuel et sensibilité poétique, renouent avec un genre littéraire millénaire : l'art du bref.
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«À supposer qu'ils habitent la même ville, Louisa Makhloufi et Romain Praisse y resteraient-ils encore cent ans que la probabilité qu'ils se croisent, s'avisent et s'entreprennent resterait à peu près nulle. En sorte que si l'une des 87 caméras de surveillance installées en 2004 par les techniciens d'un prestataire privé de la mairie les voit se croiser, s'aviser, s'entreprendre, ce ne sera qu'à la faveur d'un dérèglement des trajectoires lié à une conjonction hasardeuse de faits nécessaires».
Dans une France contemporaine fracturée, François Bégaudeau met en regard violence économique et drame personnel, imaginant une exception romanesque comme pour mieux confirmer les règles implicites de la reproduction sociale.
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On aime beaucoup, aujourd'hui, les prévisions et bien peu le hasard, on vit, voyage, part même à l'aventure avec des certitudes, alors la chance ne sait où se mettre, elle reste abandonnée là, sur le bas-côté.Pourtant, j'ai trouvé en elle une charmante compagne de route - elle, la chance, qui entraîne dans son sillage d'innombrables rencontres et questionnements en tous genres.Quant au «où» et au «comment», sachez que tout se déroule dans des camions et voitures, aux côtés de conducteurs qui m'ont prise en auto-stop au fil de leurs contrées sud-américaines, sur un itinéraire de précisément 9356 kilomètres.
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«Bien sûr que je voulais faire du cinéma. Je n'entendais pas rester stagiaire. J'avais un plan. J'allais inopinément apparaître dans la nudité de mon être exceptionnel. J'allais me faire repérer. Ainsi, quand la cinéaste arriverait, je me lèverais, elle tournerait la tête vers moi, marquerait un temps d'arrêt (stupeur oblige), je ferais semblant de ne rien noter, exagérant mon naturel, elle me regarderait comme on contemple un phénomène, m'imaginerait instantanément dans son cadre et, sans plus de détour, me proposerait un rôle.»
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«De la masse qu'on formait autour de lui, avec lui pour ainsi dire, une main aurait pu s'extraire sans que personne, ensuite, ne soit en mesure de dire qui était au bout, quel bras et quel visage, et elle l'aurait frappé, lui, et ç'aurait été le déclencheur d'autres coups de poing, la curée, le truc pour se vider sur une victime, le bouc émissaire - que nos blessures et nos misères elles changent de camp.» Des châteaux qui brûlent raconte la séquestration d'un secrétaire d'État par les salariés d'un abattoir placé en liquidation judiciaire. Arno Bertina y fait résonner la parole singulière de toutes les forces en présence - comment elles s'affrontent et libèrent des puissances insoupçonnées. Dans le huis clos de l'usine occupée, chacun se découvre du souffle. Ce roman dit les heurts et bonheurs d'une insurrection aujourd'hui.
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Carnet de bal d'une courtisane ; petite chronique des courtisanes & autres textes
Grisélidis Réal
- Verticales
- Minimales/verti
- 11 Mars 2005
- 9782843352195
Grisélidis Réal, prostituée genevoise, a tenu un carnet noir de 1977 à 1995, petit répertoire où elle consignait par ordre alphabétique les prénoms de ses clients, agrémentés de leurs us, coutumes et petites manies ainsi que du prix de la passe. Outre ce document exceptionnel, Carnet de bal d'une courtisane comprend un choix de textes de Grisélidis Réal en «catin révolutionnaire» qui mettent en lumière son engagement dans les mouvements de prostituées des années 70. «Que tous les hommes qui viennent à nous, fatigués et chargés, comme il est dit dans la Bible - ceux que nous sauvons du suicide et de la solitude, ceux qui retrouvent dans nos bras et dans nos vagins l'élan vital dont on les frustre ailleurs, ceux qui repartent, les couilles légères et le soleil au coeur - cessent de nous emmerder, de nous juger, de nous renier, de nous taxer, de nous matraquer, de nous enfermer, de nous prendre nos gosses pour les mettre à l'Assistance Publique, d'enfermer nos amants et nos hommes de coeur...» Grisélidis Réal
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«Ton grand-père est communiste. Un vrai, te dit-on plusieurs fois et tu comprends qu'il y en a aussi des faux. C'est comme avec les Barbie et les baskets Nike, qu'on peut trouver en vrai uniquement si on possède des relations de très haut niveau. Les tiennes sont fausses...» Ce premier roman a trouvé le ton elliptique et malicieux pour conjuguer l'univers intérieur de l'enfance avec les bouleversements de la grande Histoire. Grâce à la naïveté fantasque de sa jeune héroïne, Les cosmonautes ne font que passer donne à voir comment le politique pénètre la vie des individus, détermine leurs valeurs, imprègne leurs rêves, et de quelle manière y résister.
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«Qui n'aimerait pas être une étoile filante ? Même si cela veut dire être consommé par la chaleur et tomber en débris à la fin. Sommes-nous des objets qui parcourent les vies des autres, des corps lumineux de passage ? On trace, on éclaire, on s'évanouit quelque part.»Après le message de rupture de son mari, la narratrice fait du déséquilibre un nouveau point de vue. Exploratrice en suspension, elle enregistre sur son téléphone ses états pour réaménager son passé, dessine les itinéraires hors sol des membres de sa famille pour comprendre le sien, cite ses amis dispersés, des philosophes perdus et s'imagine en objet interstellaire.